Les populations de frênes noirs au lac Duparquet
La reconstitution des fluctuations du
niveau des eaux du Lac Duparquet à l'aide de l'analyse dendrochronologique montre que le
nombre de cicatrices causées par les glaces lors du dégel printanier a augmenté depuis
la fin du Petit Âge Glaciaire soit depuis environ 1850 (fig. 1a). Cette hausse est
d'autant plus marquée depuis le 20e siècle et, en particulier, depuis les années 1930.
Parallèlement à la hausse du nombre de cicatrices, on
remarque que le niveau des eaux lors du dégel printanier a aussi subit une
progression (fig. 1b). Depuis les années 1915, par exemple, on constate que le
niveau des eaux lors du dégel est d'environ 1 mètre plus élevé qu'à la fin du
Petit Âge Glaciaire. Les études climatiques démontrent que plus le gel automnal
est rapide et que plus les précipitations hivernales et printanières sont
importantes, plus le niveau du lac et l'activité des glaces lors du dégel seront
importants.
La hausse observée du niveau des eaux lors du dégel printanier se
répercute aussi sur la dynamique des peuplements forestiers en plaine de débordement.
L'étude des peuplements de frêne noir montre que dans les sites les plus exposés aux
crues, les individus se maintiennent surtout par régénération végétative (rejets de
souche) tandis qu'on observe une régénération sexuée beaucoup plus abondante dans les
sites où les conditions engendrées par les crues sont moins difficiles.
La régénération végétative constitue un
important mécanisme par lequel le frêne noir peut se maintenir sur le lac (fig. 1d). Les
populations du Lac Duparquet sont stables avec des individus dans toutes les classes
d'âge. Contrairement à la quasi disparition du frêne noir du Lac Abitibi suite à la
construction dun barrage hydroélectrique à Iroquois Falls dans les années
1915-1920, la hausse du niveau des eaux du Lac Duparquet fut graduelle et a permis aux
populations de se déplacer. Ce phénomène met en évidence le caractère exceptionnel du
lac Duparquet qui, en absence dun contrôle des niveaux deau, a su préserver
des rives à caractères naturels.
Contrairement à ce que l'on pourrait
penser, il semble que la hausse du niveau des eaux lors des crues glacielles n'ait pas eu,
au Lac Duparquet, d'effets négatifs sur la croissance du frêne noir. Au contraire, les
conditions de croissance semblent sêtre améliorées depuis le début du siècle
même si le nombre et la hauteur des cicatrices ont augmenté (fig. 1c). Les études
dendroclimatiques effectuées avec le frêne noir ont démontré que seules les crues se
poursuivant en début de saison de croissance (juin) avaient un effet négatif sur
l'accroissement radial. Pour le frêne noir, les crues hâtives pourraient avoir un impact
positif sur la croissance en prolongeant la période de croissance, et ce, surtout si les
précipitations du mois de juin sont abondantes (Tardif et Bergeron, 1992 : Tardif et Bergeron, 1993 et
Tardif et al, 1994).
Fig. 1. a) Nombre de cicatrices glacielles en classes
de 5 ans (n=616) et courbes cumulées de la fréquence des
cicatrices (n=616) et de l'âge des arbres porteurs (n=81). b) Évolution
de la hauteur maximale (n=122) atteinte par les cicatrices depuis la fin
du 17e siècle. c) Courbe de croissance indicée du frêne
noir pour l'ensemble des sites du lac Duparquet et le nombre d'arbres
inclus (153 maximum). d) Structure d'âge des frênes du lac
Duparquet (6 peuplements) en classes de 10 ans et selon leur origine (sexuée
vs végétative).
|
|