Feux, climat et végétation: une histoire vieille de 9000 ans
Puisque le feu est la principale perturbation en
forêt boréale, il a semblé pertinent den explorer son histoire et ses relations
avec le climat et la végétation. Pour reconstituer dans le détail cette histoire dans
la forêt du Lac Duparquet, le contenu en charbons de bois et pollen des sédiments bien
stratifiés dun petit lac, le Lac Francis, a été analysé pendant une période de
7000 ans av. nos jours (BP). Parallèlement, lanalyse dune base de données
paléoécologiques de charbons de bois lacustres a permis détablir les tendances de
lhistoire et de la géographie des feux sur le territoire du Québec. Cette approche
à deux niveaux indépendants permet détudier dune part la relation
climat-feux, puis le relation feux-végétation.
Relation climat-feux
La reconstitution de lhistoire et de la
géographie des feux au Québec a été menée à laide dune analyse spatiale
à faible résolution temporelle des accumulations de charbons lacustre, détaillant ainsi
l'incidence des feux depuis la mise en place du couvert forestier (Fig. 1). La synthèse
temporelle des anomalies daccumulation de charbons de bois depuis 10000 BP au
Québec résume les faits saillants de cette histoire. Une période caractérisée par des
anomalies positives (+) traduit un environnement favorable au déclenchement et à la
propagation des feux, et inversement pour les anomalies négatives (-). Cette synthèse
(Fig. 1) ne tient pas compte des singularités régionales liées à la végétation, la
topographie ou les micro-climats. De 10 à 8000 BP, et depuis 2000 BP, le climat
du Québec a été favorable aux feux. La température ne semble pas jouer un rôle
primordial sur les feux car loptimum thermique de lHolocène
(8000-5000 BP) ne se caractérise pas uniquement par des anomalies +. Lhistoire
des feux et celle des fluctuations des niveaux lacustres dépendent du régime des
précipitations. Mais des discordances entre ces deux histoires dans lest du Canada
conduit à mettre en évidence limportance des précipitations hivernales (neige)
comme acteurs des fluctuations des niveaux lacustres, et les sécheresses estivales comme
principal forçage agissant sur les feux. La fin de lHolocène depuis 2000 ans
au Québec se caractériserait par des fréquences accrues des épisodes de sécheresses
printanières tardives ou estivales, bien que le volume annuel des précipitations soit
très élevé.
Fig. 1 : Synthèse temporelle des anomalies daccumulation
de charbons de bois depuis 10000 ans au Québec.
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Relation feux-végétation
La reconstitution de la fréquence des feux au lac Francis (Fig. 2)
montre que ceux-ci furent peu fréquents de 6800 à 2200. En effet la moyenne des
intervalles des feux était de 260 ±208 ans avant de chuter à 85 ±55 ans. Ce changement
est relativement abrupt (Fig. 2) et coïncide avec la reconstitution, bien moins précise
dans le temps mais plus générale, de lhistoire des feux aux Québec (Fig. 1). Ceci
souligne la robustesse de cette reconstitution des feux au Lac Francis et autorise des
comparaisons avec les courbes sporo-polliniques illustrant les changements du couvert
végétal (Fig. 3). On dispose ainsi d'une histoire des couples feux-végétation et
feux-climat pour discuter l'importance écologique des changements climatiques vis-à-vis
des végétaux, via les variations de la fréquence des feux. L'Holocène ancien (9500 à
7500 BP) et récent (depuis 2000 BP) se caractérisent par une plus forte
incidence des feux relevant probablement d'une plus grande fréquence des épisodes de
sécheresse par rapport à la période 6 à 3000 BP. Les changements du régime des
feux ne sont pas synchrones avec les changements de végétation (Fig. 3). En effet, au
début de la mise en place de la végétation dans les environs du Lac Francis la
végétation était dominée par le pin blanc (Pinus strobus) et le cèdre blanc de
lest (Thuja occidentalis), alors que toutes les espèces de la forêt
boréales actuelle étaient déjà présente. Lorsque les intervalles de feux ont
diminué, les bouleaux ont pris de limportance avant de laisser la place à la
forêt actuelle voici environ 1500-1000 BP. Les changements de végétations sont
apparemment plus progressifs que les changements de régime des feux. Enfin, la
végétation semble présenter une inertie de quelques siècles vis-à-vis de changements
de la fréquence des feux.
Fig. 2 : Chronologie des intervalles entre les événements
de feu les plus probables au lac Francis.
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Fig. 3 : Courbes polliniques de quelques taxons résumant
la dynamique forestière depuis 7000 BP.
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