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L'HISTOIRE DU TERRAIN DE JEU DES CHERCHEURS
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1987 : Création du Groupe de recherche en écologie forestière, à Montréal (aujourd'hui le Centre d'étude de la forêt) et de l'Unité de recherche et de développement forestiers de l'Abitibi-Témiscamingue, attachée à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
1995 : Création officielle de la FERLD, fruit d'un partenariat entre le gouvernement du Québec, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et l'Université du Québec à Montréal, avec la collaboration du Groupe des Produits forestiers Tembec et des Industries Norbord, qui ont cédé leurs droits sur le territoire.
1998 : Création de la Chaire industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en aménagement forestier durable.
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2005 : Inauguration de la station de recherche de la FERLD
2006 : Création du Centre d'étude de la forêt
2011 : Obtention de la certification du Forest Stewardship Council® (FSC®).
2012 : Création de l'Institut de recherche sur les forêts.
Pour en savoir plus… sur l'historique de la FERLD.
Bien avant que la FERLD ne soit officiellement créée, le territoire faisait déjà l'objet de recherches. À la fin des années 1970, un jeune étudiant chercheur, Yves Bergeron, prépare sa thèse de doctorat : une classification écologique des cantons Hébécourt et Roquemaure. Sa thèse allait jeter les bases écologiques de la recherche à la FERLD.
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Dans les années qui suivent, les chercheurs et les études se multiplient, notamment avec la création, à Montréal, du Groupe de recherche en écologie forestière (aujourd'hui le Centre d'étude de la forêt) et de l'Unité de recherche et de développement forestiers de l'Abitibi-Témiscamingue, attachée à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).
En 1995, on célèbre la création officielle de la FERLD, fruit d'un partenariat entre le gouvernement du Québec, l'UQAT et l'Université du Québec à Montréal (UQAM). La création de la FERLD a aussi été rendue possible grâce à deux compagnies forestières, le Groupe des Produits forestiers Tembec et les Industries Norbord, qui ont cédé leurs droits sur le territoire. Ces deux compagnies siègent sur le comité de gestion et sont des partenaires privilégiés de la FERLD, notamment en s'impliquant dans certains projets de recherche qui y sont réalisés et en offrant un milieu de pratique pour les étudiants. En 1998, la Chaire industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en aménagement forestier durable est mise sur pied et vient consolider la recherche forestière en Abitibi. L'UQAT poursuit cette consolidation en créant, en 2012, l'Institut de recherche sur les forêts.
À l'automne 2011, la FERLD a obtenu la certification du Forest Stewardship Council ® (FSC ®). Cette certification, reconnue au niveau mondial et appuyée par plusieurs groupes environnementaux tel que WWF Canada, Greenpeace et la Fondation David Suzuki, témoigne de la gestion socialement, écologiquement et économiquement responsable de la FERLD.
Parallèlement aux activités scientifiques et forestières qui y ont cours, les visiteurs sont bienvenus sur le territoire de la FERLD. On y vient pour se promener dans les réseaux de sentiers pédestres, pour chasser, pêcher et cueillir, et maintenant, avec ce guide, pour en apprendre davantage sur la forêt et son aménagement!
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UNE FORÊT, UNE MISSION
La FERLD est un lieu privilégié de recherche, d'expérimentation et de démonstration dont la mission est de développer des modes de gestion et d'aménagement forestiers qui, en plus de tenir compte des attentes du milieu socio-économique, respectent le fonctionnement des écosystèmes.
Autrement dit, ces approches doivent permettre le maintien de toutes les composantes des écosystèmes, des relations entre ces composantes et des processus écologiques.Il s'agit d'une portion de terres publiques pour laquelle la gestion a été confiée, par le gouvernement du Québec, à une institution d'enseignement et de recherche. Prévues dans la Loi sur les forêts, 16 de ces forêts existaient en 2011 au Québec, dont trois en Abitibi-Témiscamingue. L'entente entre les parties est d'une durée de 25 ans et peut être renouvelée pour des périodes additionnelles de cinq ans. La FERLD est la plus grande des forêts d'enseignement et de recherche au Québec.
La FERLD couvre 80 km2 d'un territoire qui a été façonné, tour à tour, par les glaciers, les perturbations naturelles, et, évidemment, l'homme.
L'EAU QUI FAÇONNE
Les sols de la FERLD sont essentiellement composés d'argile, des particules très fines qui se sont déposées il y a environ 10 000 ans, au fond des lacs formés par l'eau de fonte des glaciers. L'eau est encore bien présente à la FERLD, avec quatre lacs qui bordent son territoire ou qui sont situés à l'intérieur, une rivière qui la sillonne et de nombreux milieux humides et forêts riveraines.
UNE VÉGÉTATION DIVERSIFIÉE
La FERLD est à l'image de la forêt boréale mixte : on y trouve des peuplements feuillus, mixtes et résineux, composés de bouleau blanc, de peuplier faux-tremble, de peuplier baumier, de sapin baumier, de pin gris, d'épinette blanche, d'épinette noire, de mélèze laricin et de thuya de l'est. D'autres espèces moins communes y sont aussi présentes, comme le pin rouge, le pin blanc, le frêne noir, l'érable rouge et l'orme d'Amérique.
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FEU, INSECTES ET CIE
Les perturbations naturelles comme le feu (huit incendies depuis 1700) et les épidémies d'insectes ont depuis toujours modelé le paysage. Depuis la moitié du 20e siècle, les perturbations anthropiques se sont ajoutées (coupes partielles et coupes de récupération suite à la mortalité causée par la tordeuse des bourgeons de l'épinette au tournant des années 1980).
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Pour en savoir plus… sur les éléments qui ont façonné le territoire
Couvrant une superficie de 8045 ha (80 km2), la FERLD est située à l'extrémité sud de la MRC d'Abitibi-Ouest. Son territoire a, tour à tour, été façonné par les glaciers, les perturbations naturelles et, évidemment, l'homme.
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UNE RÉGION MODELÉE PAR DES MERS INTÉRIEURES
Il y a environ 10 000 ans, à la fin de la dernière grande glaciation, la fonte des glaciers a entraîné la formation d'immenses étendues d'eau douce. En raison de leur topographie relativement plate, le nord-ouest du Québec et le nord-est de l'Ontario ont été transformés en véritables mers intérieures par les lacs Barlow et Ojibway. Au cours des siècles qui ont suivi, la roche granitique appartenant au bouclier canadien et les dépôts laissés par les glaciers ont été recouverts d'une épaisse couche de fins sédiments déposés au fond des lacs. Ce sont ces dépôts d'argile qui forment l'essentiel des sols que l'on trouve aujourd'hui en Abitibi.
Les immenses lacs se sont retirés il y a plusieurs milliers d'années, mais l'eau constitue toujours une composante importante de la FERLD. Outre le lac Duparquet qui la borde, on compte trois principaux lacs à l'intérieur de la FERLD : les lacs Hébécourt, Bayard et Monsabrais. Finalement, la rivière Magusi traverse le sud de la Forêt. Et c'est sans compter les milieux humides et les forêts riveraines.
UNE VÉGÉTATION TYPIQUE… AVEC QUELQUES EXTRAS!
Les paysages et les peuplements feuillus, mixtes et résineux qui occupent la FERLD sont représentatifs du sous-domaine bioclimatique de la sapinière à bouleau blanc de l'ouest. On y retrouve toutes les espèces boréales communes : bouleau blanc, peuplier faux-tremble, peuplier baumier, sapin baumier, pin gris, épinette blanche, épinette noire, mélèze laricin, thuya de l'est. D'autres espèces moins communes y sont aussi présentes, comme le pin rouge, le pin blanc, le frêne noir, l'érable rouge et l'orme d'Amérique.
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UN TERRITOIRE FAÇONNÉ PAR LES PERTURBATIONS NATURELLES ET ANTHROPIQUES
Depuis 1700, huit incendies forestiers importants ont été recensés sur le territoire de la FERLD. Au cours du seul 20e siècle, trois épidémies majeures de tordeuse des bourgeons de l'épinette et au moins quatre épidémies de la livrée des forêts y ont eu cours. Les habitants de la région gardent d'ailleurs un souvenir impérissable des infestations de livrée de 2000 et 2001 avec des routes glissantes en plein été à cause des milliers de chenilles écrasées! Ces perturbations naturelles ont façonné les forêts et on y fera constamment référence dans ce document. Dans les années 1940 et 1950, des coupes partielles ont été pratiquées sur une importante partie du territoire de la FERLD. Entre 1978 et 1986, suite à la dernière épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette qui a entraîné une mortalité massive du sapin baumier, des coupes de récupération ont été pratiquées, principalement le long du chemin de la mine. Les dernières coupes forestières avant l'inauguration de la FERLD remontent à 1993.
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La FERLD fait figure de pionnière en aménagement forestier. Depuis ses débuts, une grande partie du territoire fait l'objet d'un aménagement dit « écosystémique ». Ce concept repose sur l'hypothèse que le meilleur moyen de conserver les processus et les espèces associées aux forêts est de s'inspirer des régimes de perturbations naturelles qui ont naturellement cours sur le territoire. Autrement dit, il s'agit de la meilleure garantie de préserver son intégrité écologique.
Dans les années 1990, alors que ce concept était encore réservé au monde universitaire, on avait déjà basé une grande partie de l'aménagement à la FERLD sur ce principe, qui est aujourd'hui au cœur de la nouvelle loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, adoptée en 2010.
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Le territoire de la FERLD est divisé en trois parties qui ont chacune leur vocation; conservation, aménagement écosystémique et aménagement intensif. La zone de conservation (en vert sur la carte) couvre environ 25% du territoire et constitue le point de référence des chercheurs. On y trouve des écosystèmes représentatifs de la région ainsi que des écosystèmes exceptionnels de par leur âge ou leur composition . Les chercheurs étudient dans la zone de conservation la dynamique des écosystèmes et les régimes de perturbations pour ensuite pouvoir s'appuyer sur ces résultats et concevoir de nouvelles pratiques d'aménagement qui seront mises à l'essai dans la zone vouée à l'aménagement écosystémique. Cette dernière occupe la majeure partie du territoire : 65%. Suite à l'application des traitements sylvicoles adaptés au contexte régional (par exemple, les coupes partielles, les coupes de jardinage ou les coupes à rétention variable) on assure un suivi afin d'évaluer l'impact des nouvelles approches sur les diverses composantes du milieu. Finalement, pour combler les diminutions de volumes de bois disponibles pour la transformation dus à la conservation et à l'approche écosystémique, une zone est dédiée à l'aménagement intensif et a pour objectif de maximiser les rendements. Cette zone pourrait éventuellement couvrir jusqu'à 10% du territoire, dont environ un tiers serait destiné à la ligniculture.
Pour en savoir plus… sur le principe du zonage
Dans les années 1990, on a vu émerger le concept d'aménagement écosystémique. Cette approche repose sur la prémisse que si on veut maximiser les chances de conserver toutes les fonctions des écosystèmes forestiers ainsi que les organismes qui y vivent, l'aménagement devrait s'inspirer des processus qui y ont naturellement cours pour ainsi minimiser les écarts entre la forêt aménagée et la forêt naturelle. Autrement dit, on devrait appliquer davantage nos connaissances du fonctionnement de la nature dans l'aménagement pour conserver l'intégrité écologique de la forêt. Ce concept a fait son chemin dans les milieux universitaires et décisionnels, si bien qu'il est maintenant au coeur de la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier adoptée en 2010. Mais dans la pratique, comment s'y prendre? Dès sa création, la FERLD s'est penchée sur la question. Pour ce faire, on a décidé de zoner le territoire, c'est-à-dire de le diviser en trois parties ayant chacune une vocation qui lui est propre. C'est le concept de la triade, qui permet de mettre en oeuvre l'aménagement écosystémique sans pour autant nuire aux activités socio-économiques générées par la forêt.
CONSERVER POUR COMPRENDRE
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Dans un premier temps, si on veut tenter de reproduire ce qui se passe en forêt, on doit évidemment s'appuyer sur une solide compréhension des régimes de perturbations (feux, insectes) et de la dynamique des écosystèmes. Le volet recherche de la FERLD est en grande partie consacré à ces enjeux. Saviez-vous que le quart du territoire est voué à la conservation? Cette partie, qui n'a connu que très peu l'influence humaine, constitue le point de référence des chercheurs. On y retrouve d'ailleurs trois écosystèmes forestiers exceptionnels, des territoires désignés par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec en raison de leur grande valeur écologique. Quatre autres territoires sont en attente de désignation.
L'AMÉNAGEMENT ÉCOSYSTÉMIQUE, ÇA RESSEMBLE À QUOI?
Dans un deuxième temps, les chercheurs doivent développer des pratiques d'aménagement qui s'inspirent des processus qu'ils ont étudié dans la zone de conservation et ailleurs en forêt boréale. Une fois élaborées, on doit les tester. La seconde zone, qui couvre environ 65% du territoire, est donc consacrée à l'expérimentation de ces nouvelles approches. Suite aux traitements sylvicoles, on assure un suivi afin d'évaluer leurs impacts sur les diverses composantes du milieu.
C'est ici que réside toute l'importance du statut de Forêt d'enseignement et de recherche puisque les chercheurs ont plus de souplesse pour innover et expérimenter des nouveaux traitements sylvicoles. Ainsi, on utilise une bien plus grande diversité de traitements que ce qui est habituellement pratiqué en forêt publique. Les coupes partielles, les coupes de jardinage et les coupes à rétention variable illustrent des exemples de traitements appliqués dans un contexte d'aménagement écosystémique.
POUR COMBLER LE MANQUE À GAGNER…
Le retrait d'une portion du territoire de l'exploitation forestière et l'application de mesures visant à maintenir l'intégrité écologique des écosystèmes aménagés peuvent se traduire par une diminution des volumes de bois disponibles pour l'industrie forestière. Afin de combler les réductions d'approvisionnement et ainsi minimiser l'impact économique d'une approche écosystémique, une dernière zone est dédiée à l'aménagement intensif et a pour objectif de maximiser la production ligneuse par unité de surface. Cette zone pourrait éventuellement couvrir jusqu'à 10% du territoire. Un tiers de sa superficie est consacré à l'évaluation du potentiel de la ligniculture.
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Même si l'on étudie de tout à la FERLD, deux grands thèmes de recherche émergent : la compréhension de la dynamique des écosystèmes et le développement de stratégies d'aménagement qui s'en inspirent.
On étudie évidemment les arbres (croissance, reproduction, architecture, physiologie, génétique, etc.), mais aussi les forêts et tout ce qui les influence (climat, géologie, sol, perturbations naturelles, historique). La biodiversité (faune, flore) et les habitats font aussi d'objet de nombreux travaux.
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À mesure que les résultats de ces travaux sont disponibles, des chercheurs développent des approches novatrices d'aménagement et de sylviculture. Quel est l'impact sur les arbres, les forêts et les habitants? Quels sont les coûts opérationnels de la mise en œuvre de ces nouvelles approches? Comment influencent-elles les propriétés du bois des arbres?
DERRIÈRE LA RECHERCHE, LES CHERCHEURS
Ces travaux ont mis à contribution des chercheurs de toutes les disciplines (écologistes, biologistes, ingénieurs forestiers, experts des sols, généticiens, géographes, experts des milieux aquatiques, spécialistes en systèmes d'information géographique, ingénieurs en sciences du bois, etc.) et de toutes provenances, principalement des Amériques, de l'Europe et de l'Asie.
En 2011, on comptait plus de 200 articles publiés dans des revues scientifiques, plusieurs chapitres de livres, environ 75 mémoires de maîtrise et thèses de doctorat, et des centaines de communications présentées dans des forums scientifiques à travers le monde.
Pour en savoir plus… sur la recherche à la FERLD
Les thèmes de recherche à la FERLD sont extrêmement variés. Grosso modo, ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories, correspondant aux deux axes nécessaires à la mise en oeuvre de l'aménagement écosystémique : la compréhension de la dynamique naturelle des écosystèmes et le développement de stratégies d'aménagement qui s'en inspirent.
À LA CASE DÉPART…
D'entrée de jeu, les chercheurs ont cherché à comprendre ce qu'ils observaient, ce qui a donné lieu aux premiers travaux de classification écologique permettant d'établir les relations entre l'environnement (climat, géologie, sol) et les communautés forestières. Ils ont aussi voulu étudier comment les communautés végétales changent avec le temps. Le milieu physique ne fournissant pas toutes les réponses, ils se sont intéressés à l'influence que pouvait avoir le régime des perturbations naturelles (ex. les feux, les épidémies d'insectes) ou les changements climatiques. Comme le passé explique bien souvent le présent, plusieurs travaux de recherche historique ont eu lieu : historique des feux, des épidémies, de l'exploitation forestière, des changements du climat, etc. Des fouilles archéologiques ont aussi été menées sur le territoire de la FERLD.
On s'intéresse aussi évidemment à tout ce qui touche de près ou de loin aux arbres. Leur croissance, leur reproduction, leur architecture, leur physiologie, leur génétique sont examinées sous toutes leurs coutures.
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LA FORÊT, C'EST PLUS QUE DES ARBRES
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Les habitants de la Forêt ne sont pas laissés pour compte. De nombreuses études sont liées à la biodiversité. Mammifères, oiseaux et insectes font l'objet de travaux. On étudie leur habitat et leur comportement, mais aussi l'influence que peut avoir l'aménagement forestier. Même chose pour les végétaux et les champignons. Leur présence indique-t-elle quelque chose de particulier?
L'AMÉNAGEMENT À LA FERLD : MAILLAGE ENTRE RECHERCHES FONDAMENTALES ET APPLIQUÉES
Forts de la compréhension de la dynamique des écosystèmes et des processus naturels, les chercheurs associés à la FERLD développent des approches novatrices d'aménagement et de sylviculture. Une fois les traitements appliqués, on scrute les propriétés anatomiques, physiques et mécaniques des arbres qui ont fait l'objet de traitements sylvicoles écosystémiques, et on analyse les coûts opérationnels liés à cette approche. Des essais techniques deviennent donc des objets de recherche en soi, qui, s'ils sont concluants, pourront être appliqués ailleurs en forêt boréale. La façon d'intervenir en forêt s'ajustera à la lumière des nouvelles connaissances acquises par le biais de ces expériences, ce qui constitue l'essence même de l'aménagement évolutif.
Comme ces sujets de recherche sont très variés, des chercheurs de toutes les disciplines travaillent souvent ensemble sur des projets interdisciplinaires. Écologistes, biologistes de la flore et de la faune, ingénieurs forestiers, pédologistes (experts en sols), généticiens, géographes, limnologistes (experts des milieux aquatiques), spécialistes en systèmes d'information géographique et ingénieurs en sciences du bois travaillent de pair.
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UNE FORÊT OUVERTE SUR LE MONDE
Avec le temps, les chercheurs associés à la FERLD ont développé de nombreuses collaborations. Depuis 30 ans, des chercheurs de presque toutes les universités du Québec, des organismes de recherche provinciaux et fédéraux et des étudiants et scientifiques provenant de l'Europe, de l'Asie, de l'Amérique du sud, des États-Unis et d'autres provinces canadiennes ont travaillé sur le territoire de la Forêt d'enseignement et de recherche du lac Duparquet.
Le bilan scientifique de ces travaux témoigne de l'importance de la FERLD pour l'avancement des connaissances : plus de 200 articles publiés dans des revues scientifiques, plusieurs chapitres de livre, environ 75 mémoires de maîtrise et thèses de doctorat, et des centaines de communications présentées dans des forums scientifiques nationaux et internationaux.
Chaque année, les arbres produisent un cerne de croissance. En plus de les dénombrer pour connaître l'âge d'un arbre, on peut remonter dans le temps et retracer les grands évènements de sa vie à l'aide de la dendrochronologie. La largeur, la coloration et les marques laissées dans les cernes varient selon les conditions environnementales et les perturbations passées. Ainsi, un cerne très étroit peut signaler un été particulièrement sec ou froid, des cellules éclatées indiquent un gel tardif, plusieurs cernes étroits successifs révèlent une épidémie d'insectes, etc.
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Lorsqu'on se sert de la dendrochronologie pour étudier des phénomènes écologiques, on parle de dendroécologie. Lorsqu'il s'agit de phénomènes climatiques, de dendroclimatologie. Comme une forte proportion des travaux de recherche menés à la FERLD repose sur ces disciplines, la station de recherche est dotée d'un laboratoire à la fine pointe de la technologie.
Construits en 2005 et en 2010, les pavillons de la station de recherche fourmillent d'activités. Certains sont dédiés à l'hébergement des étudiants et des chercheurs qui habitent sur place une partie de l'année, d'autres contiennent des salles de classe et de réunion, et finalement, d'autres encore renferment des laboratoires où sont traités et analysés les échantillons recueillis en forêt. Plus qu'un simple endroit d'apprentissage et d'expérimentation, c'est aussi un lieu de rassemblement et d'échanges.
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Le bois est omniprésent à la station. Lors de la construction des pavillons, on s'est assuré de s'approvisionner localement, auprès des compagnies de la région, et évidemment, à la FERLD!
Pour en savoir plus… sur la station, sa construction et ses occupants.
Avec la multiplication des projets de recherche et, incidemment, des personnes impliquées, les besoins en infrastructures de recherche et en hébergement se sont rapidement fait sentir. Dès les premières années de la FERLD, un projet de station de recherche trouvait des appuis dans le milieu.
La première phase de la station, composée de quatre pavillons, a été inaugurée en 2005. L'été même, une armée d'étudiants et de chercheurs s'y sont installés. On y trouve de l'hébergement, plusieurs laboratoires, des salles de cours et de réunions et de l'espace d'entreposage. Au-delà des considérations pratiques, la station permet aux étudiants et aux chercheurs de se rassembler et d'échanger, tout en étant à quelques pas de leur laboratoire à ciel ouvert.
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Les besoins étaient grands, car même avec ces infrastructures, on se sent rapidement à l'étroit. À l'automne 2010, on inaugure la phase II de la station, qui comporte un agrandissement du laboratoire de dendroécologie et un nouveau pavillon d'hébergement autonome, nommé le Pavillon Desjardins Abitibi-Ouest, en reconnaissance d'un généreux don des Caisses populaires du secteur.
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La station fourmille évidemment d'activités l'été, en pleine saison d'échantillonnage, mais elle est rarement inhabitée le reste de l'année. Bien que sous-utilisée par rapport à son potentiel pendant la basse saison, les étudiants peuvent y analyser l'hiver les échantillons prélevés en forêt l'été. Tout au long de l'année, la station est aussi l'hôte d'évènements spéciaux (cours, colloques, ateliers, réunions), tant d'envergure locale qu'internationale. Depuis son inauguration, plusieurs centaines de personnes y sont passées, provenant de plus de 25 pays différents.
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À l'intérieur comme à l'extérieur de la station, le bois est omniprésent. Recouvrement extérieur, planchers, murs, même le plafond de la salle communautaire en est fait. Et c'est sans compter la charpente…
Au moment de la construction, près de 10 compagnies de la région ont fait don de matériaux de construction et d'équipement. Presque tout le bois provient d'ailleurs des environs, dont une partie de la FERLD. Cette photo a été prise dans la grande salle où le plancher est fait d'érable et de bouleau. Le bois, marbré de tons clairs et foncés, date de l'époque de la drave et dormait au fond du lac des Quinze, au Témiscamingue!
Si jamais vous passez par la station, une petite marche s'impose. D'une longueur de près de 4 km aller-retour, le sentier du balbuzard borde le lac Hébécourt et est ponctué de six panneaux d'interprétation qui mettent en valeur différentes thématiques régionales: Écologie forestière, feux de forêt, bois mort, castor et balbuzard sont à l'affiche.
Le balbuzard pêcheur, aussi connu sous le nom d'aigle pêcheur, est un habitué des environs du lac Hébécourt au moins depuis les années 1990. En 2004, un couple a même élu domicile tout près de la terrasse de la station de recherche. En 2005, on pouvait assister à l'évolution de la couvée en sirotant son café! Peut-être dérangés par l'activité qui règne à la station, les oiseaux ont ensuite établi leurs quartiers un peu plus loin. Les nids semblent cependant être mal ancrés puisqu'ils tombent à plusieurs reprises. Le personnel de la FERLD décide alors de leur donner un coup de main en installant, à l'hiver 2009, une plate-forme de nidification à leur intention. La vue semble leur plaire puisque des balbuzards y nichent depuis.
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Lors de votre prochaine excursion en forêt, portez une attention particulière aux cavités qu'on observe parfois dans les arbres, vivants ou morts. Plus que des trous, il s'agit de véritables condos pour une foule d'espèces qui les utilisent pour s'abriter, se reproduire ou hiverner. Certaines cavités se forment naturellement, alors que d'autres sont excavées, le plus souvent par l'une des sept espèces de pics que l'on compte dans la région. Comme ceux-ci n'utilisent la cavité qu'une seule année, elle est vacante l'année suivante et prête à être réutilisée par d'autres espèces qu'on dit utilisatrices secondaires.
Dans la forêt boréale mixte de l'ouest du Québec, on dénombre près d'une trentaine de ces espèces. Il peut s'agir de passereaux, comme l'hirondelle bicolore ou encore de rapaces, comme la petite nyctale ou la crécerelle d'Amérique. On peut même y trouver des canards, comme le garrot à oeil d'or ou le si bien nommé canard branchu. Des mammifères y élisent aussi domicile, comme le grand polatouche (aussi connu sous le nom d'écureuil volant), la martre d'Amérique et plusieurs espèces de chauve-souris. Les chercheurs associés à la FERLD ont commencé à s'intéresser à ces arbres en 2003 pour comprendre comment fonctionne ce marché locatif très complexe. En suivant année après année les même cavités, les chercheurs travaillent à caractériser les arbres qui servent de condos ainsi qu'à établir les liens qui unissent les pics (les utilisateurs primaires) et les utilisateurs secondaires. Leur but consiste à établir une véritable «cartographie» des réseaux de nidification. Ils ont aussi pour objectif d'évaluer l'impact des activités d'aménagement sur la disponibilité et l'utilisation des cavités.
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UNE TÉLÉ-RÉALITÉ À LA FERLD
Intriguant n'est-ce pas? Pour être témoin de l'intimité de cette faune cavicole, visionnez les vidéos réalisées par les étudiants-chercheurs. Entre autres vedettes: des familles de pics, un grand polatouche et une petite nyctale. Vous verrez l'évolution de plusieurs nichées, de l'incubation des oeufs à l'envol des jeunes, et pourrez même assister à une attaque d'écureuil roux!
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PARCE QU'ON N'ATTEINT PAS UNE CAVITÉ EN SE METTANT SUR LA POINTE DES PIEDS…
Pour identifier les locataires, les chercheurs ont dû rivaliser d'ingénierie.
C'est finalement à l'aide d'une caméra fixée au bout d'une perche télescopique pouvant atteindre 15 m qu'ils ont pu franchir le seuil de la porte et ainsi voir en direct, jour après jour, l'évolution des nichées.
Si on inclut les eaux du lac Hébécourt, les milieux d'eau profonde, humides et forestiers riverains occupent plus de 40 % de la superficie totale du territoire de la FERLD. À lui seul, le lac Hébécourt occupe une superficie d'environ 8 km2. Il est entre autres alimenté par le lac Monsabrais (lac Moose pour certains résidents), et ses eaux se déversent via le ruisseau Hébécourt dans le lac Duparquet, au nord-est de la FERLD. En passant par le lac Abitibi et la rivière Moose en Ontario, ses eaux terminent leur course dans la baie James.
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Le lac Hébécourt est bordé par plusieurs habitations, situées principalement sur sa rive nord, le long de la route 388. On y trouve d'ailleurs la station de recherche de la FERLD. Tout comme le lac Duparquet, le lac Hébécourt est convoité, en hiver comme en été, pour la pêche au doré et au brochet.
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En général, les lacs sont peu profonds en Abitibi, et le lac Hébécourt ne fait pas exception : sa profondeur dépasse rarement les 3 m. On n'en voit cependant pas le fond, puisque ses eaux sont turbides, c'est-à-dire que des particules d'argiles en suspension dans l'eau bloquent le passage de la lumière.
Sur une île située au sud du lac est située une petite héronnière comptant un peu moins d'une dizaine de nids. On retrouve aussi plusieurs habitats aquatiques, principalement en bordure des baies. Ces marais et marécages supportent des communautés végétales et animales qui en sont dépendantes. Aussi, une bande d'une largeur de 160 m autour du lac, à l'exception de la portion nord qui est habitée, fait partie de la zone de conservation de la FERLD.
Pour en savoir plus… sur le baluzard pêcheur, un habitué du lac Hébécourt.
Pour en savoir plus… sur les iles abritant de rares populations de pin rouge
Pour en savoir plus… sur le castor et le plus long barrage du Québec.
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Le lac Hébécourt compte une trentaine de petites îles. Ces milieux sont particulièrement intéressants d'un point de vue scientifique puisque comme elles sont isolées de la terre ferme, leur dynamique est différente. Par exemple, alors qu'on retrouve très peu de pin rouge dans la forêt abitibienne, il s'agit de l'espèce dominante sur plusieurs îles, notamment des lacs Duparquet et Hébécourt. Pourquoi ? Des chercheurs associés à la FERLD se sont attaqués à ce mystère pour découvrir que les différences entre le régime de feux des îles et de la terre ferme expliqueraient le phénomène.
En effet, les feux sur la terre ferme couvrent de plus grandes superficies et sont de plus forte intensité que sur les îles, ce à quoi est mal adapté le pin rouge. Il peut cependant survivre à des feux de faible intensité, bien qu'il en porte les cicatrices. Un régime de feux fréquents mais de faible intensité, comme celui que connaissent certaines îles, permet de maintenir le milieu ouvert, tout en épargnant les semenciers de pin rouge, ce qui permet le maintien de l'espèce. A l'opposé, certaines îles du lac Duparquet n'ont pas connu de feux depuis des siècles, ce qui a permis aux plus vieux arbres du Québec d'y croître.
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ASSEZ RARE POUR ÊTRE DÉSIGNÉ
Ces petits îlots de pin rouge sont suffisamment rares pour que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune les désigne écosystèmes forestiers exceptionnels. Ils font partie de la forêt rare du lac Duparquet, qui englobe également des petits peuplements de pin rouge accompagné de pin blanc, en bordure du lac.
L'hiver, une couche de glace se forme à la surface des lacs. Au printemps, la fonte des neiges entraîne une élévation du niveau de l'eau, qui rejoint souvent les arbres situés sur la berge.
La couche de glace se fragmente, et le vent crée des empilements de glace qui vont se frotter aux arbres riverains, d'où la formation de blessures, puis de cicatrices dites glacielles sur ces derniers. À l'aide de la dendrochronologie, on peut retracer ces cicatrices et dater leur formation. Ces informations permettent alors de retracer le niveau de l'eau au fil du temps et d'identifier les années de crues printanières particulièrement importantes.
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À une époque où les gaz à effet de serre font les manchettes, les lacs et les milieux humides sont sous la loupe des chercheurs. Ces milieux émettent en effet d'importantes quantités de dioxyde de carbone et de méthane, les gaz en grande partie responsables des changements climatiques. L'omniprésence des castors y est pour quelque chose : En bloquant de petits cours d'eau, leurs barrages créent de petits réservoirs d'eau stagnante où la matière organique et les nutriments du milieu inondé sont remis en suspension. Les bactéries s'en délectent… et relâchent les gaz dans l'atmosphère. Et les castors n'influencent pas que le niveau des petits ruisseaux! À l'été 2010, un barrage de castor sur le ruisseau Hébécourt et de fortes précipitations ont fait monter le niveau de lac d'un demi-mètre!
SAVIEZ-VOUS QUE LA FERLD ABRITE LE PLUS LONG BARRAGE DE CASTOR RÉPERTORIÉ AU QUÉBEC?
Ce barrage mesure en effet 437 m, soit environ quatre fois la longueur d'un terrain de football! L'Abitibi est un paradis pour le castor. L'eau y est omniprésente, le relief peu accidenté et le peuplier faux-tremble, son mets préféré, très abondant. En 2009, on estimait qu'environ 3% du territoire de la FERLD était affecté par l'activité du castor, et on dénombrait 458 barrages! De plus, on estime que près des deux tiers des petits cours d'eau qui sillonnent la FERLD sont modifiés par les activités de l'espèce. Le castor est de loin l'espèce la plus piégée à la Forêt; de 2006 à 2008, 480 fourrures provenant de la FERLD ont été transigées.
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Qui aurait cru que le fond des lacs renferme de précieuses archives? Année après année, de minuscules débris (graines, pollen, petits charbon de bois lorsqu'il y a des feux, etc.) tombent à l'eau et vont s'amasser au fond des lacs. Après des millénaires d'accumulation, ces débris deviennent très épais et forment des strates dans lesquelles peuvent lire les chercheurs.
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En étudiant les dépôts situés au fond du lac Francis, ils ont pu reconstituer l'historique des feux sur une période de plus de 7000 ans et ont constaté que l'intervalle entre les feux a beaucoup varié au cours du temps. Ils ont aussi pu reconstituer les grandes tendances dans l'évolution de la composition des forêts.
Pour en savoir plus… sur le témoignage du lac Francis.
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Sous ses eaux calmes, le petit lac Francis cache des secrets millénaires. L’histoire des feux et de la végétation des siècles passés y est précieusement archivée… dans la vase! Chaque année, des débris s’accumulent au fond du lac. Avec le temps, ces dépôts – que les chercheurs nomment gyttia - deviennent très épais et forment des strates que l’on peut dater à quelques centaines d’années près. À l’aide de longs tubes qu’on enfonce dans la vase, les chercheurs associés à la FERLD ont prélevé ce qu’on appelle des « carottes » de sédiments. En laboratoire, ils ont cherché deux types d’indices : des fragments de charbon et des grains de pollens.
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UN PEU DE « CHARCOAL », MAIS PAS POUR LE BARBECUE
Lors d’un incendie forestier, de tout petits charbons de bois sont emportés avec la fumée et se déposent un peu plus loin. En observant leur abondance à travers les strates de gyttia et en les datant (notamment à l’aide de la technique du carbone 14), on est arrivé à identifier les évènements de feux et à en reconstituer les intervalles sur une période de plus de 7000 ans. Par exemple, on s’est aperçu que vers 2200 avant nos jours, l’intervalle moyen entre les feux est passé de 260 à 85 ans. Les résultats de cette analyse anthracologique, l’étude de ces charbons, a été corroborée par la reconstitution historique des feux plus récents (de 1700 à nos jours) basée sur une analyse des cernes de croissance des arbres.
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À VOS MICROSCOPES! PRÊTS? IDENTIFIEZ!
De la même façon, le pollen émis à chaque printemps par les fleurs des arbres s’accumule au fond du lac. Comme chaque espèce d’arbre produit des grains de pollen dont la forme est différente, l’analyse palynologique permet de retracer la composition des forêts situées à proximité du lac. On peut ainsi dégager les grandes tendances. Par exemple, dans les 3000 années qui ont suivi la mise en place de la végétation aux environs du lac (entre 8000 et 5000 avant nos jours), le pin blanc et le thuya étaient beaucoup plus abondants qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les vieilles cédrières étaient alors communes.
DIS-MOI QUAND TU BRÛLES, JE TE DIRAI QUI TU ES
Les changements dans la fréquence des feux se répercutent éventuellement sur la composition du couvert végétal. Par exemple, lorsque le climat s’est refroidi et que les feux sont devenus beaucoup plus fréquents, le pin gris et le bouleau blanc, des espèces qui s’installent facilement après feu, ont pris de l’importance alors que thuya et le pin blanc se sont faits plus rares.
LE LAC FRANCIS… BERGERON?
Instigateur de la recherche sur le territoire de la FERLD, Yves Bergeron a baptisé ce lac en l’honneur de son plus jeune fils. Un clin d’oeil pour la postérité!
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NE DATENT PAS D’HIER
Bien que nous renseignant sur le passé, ces informations s’avèrent très utiles dans un contexte contemporain.
Couplées à des données climatiques historiques, elles permettent de comprendre l’influence des changements climatiques passés sur la fréquence des feux et la dynamique de la végétation forestière, et ainsi d’anticiper l’influence des changements climatiques en cours.
Lorsque le feu épargne la forêt pendant de très longues périodes, la sapinière à bouleau blanc et épinette blanche s'installe. Dans certains cas, particulièrement près des plans d'eau, le thuya s'établit et en vient parfois à dominer le couvert. Plusieurs facteurs expliquent son implantation tardive. D'une part, l'espèce est très vulnérable au feu. Ensuite, ses graines ne se dispersent pas aussi aisément que celles d'autres espèces. Finalement, on a remarqué que la présence de bois mort au sol, un élément caractéristique des vieilles forêts, est favorable à l'établissement de ses semis. Une fois implanté, le thuya peut perdurer pendant des siècles. Comme il s'agit d'une espèce très tolérante à l'ombre, ses semis peuvent patienter plusieurs années sous le couvert forestier avant qu'une ouverture ne se crée, laissant passer la lumière nécessaire à leur croissance.
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Le dernier feu qui a touché la vieille cédrière où ces photos ont été prises date de 1760. Depuis, aucune perturbation naturelle d'importance n'a affecté le peuplement. Seules quelques souches témoignent d'une coupe partielle remontant au début des années 1950. À première vue, rien n'indique qu'on est en présence d'une vieille forêt. L'importante quantité de bois mort, constitue cependant un indice. Que les troncs morts soient debout ou couchés au sol, immergés sous un épais tapis végétal, ils représentent les vestiges de la vie et de la mort des arbres au cours des 250 dernières années. L'omniprésence de sphaigne et de mousses, quant à elle, indique que le sol est humide.
THUYA N.M. - SYNONYME D'ANCIEN
La zone de conservation de la FERLD englobe deux forêts anciennes officiellement désignées par le ministère de Ressources naturelles et de la Faune qui ont en commun la présence du thuya : la forêt ancienne Akotekamik, une sapinière à bouleau blanc et thuya, et la forêt ancienne du Lac-Bayard, une cédrière à sapin sur tourbe. Cette dernière recèle des thuyas de près de 300 ans. À elles deux, ces forêts anciennes couvrent plus de 400 ha.
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Les amas désordonnés de bois mort typiques des vieilles forêts donnent parfois envie de faire un grand ménage et de se débarrasser de tous ces « corps morts ». Mais attention! Les cadavres des arbres sont extrêmement précieux et leur vie utile est loin d'être terminée puisque de nombreux organismes en font usage. Oiseaux, mammifères, amphibiens, insectes, champignons, bactéries, plantes; la liste des utilisateurs est longue et des espèces continuent de s'y ajouter à mesure que la recherche progresse.
Une multitude de travaux de recherche en lien avec le bois mort a cours à la FERLD. On étudie entre autres le rôle que joue le bois mort en décomposition dans le cyclage des éléments nutritifs. On s'intéresse aussi aux liens qui existent entre les espèces qui l'utilisent. Par exemple, certains insectes se nourrissent des champignons qui croissent dans le bois mort. Ensuite, ces insectes, comme leurs larves, sont avalés par des oiseaux.
DES PÉPINIÈRES NATURELLES
Les débris ligneux en état de décomposition avancé jouent un rôle important dans le processus de régénération des forêts. Ils offrent en effet des conditions de température et d'humidité plus stables que le sol environnant, et la compétition avec la végétation y est moins forte. Les chercheurs associés à la FERLD ont d'ailleurs observé que le thuya et l'épinette blanche germent et se développent plus facilement sur ce substrat. L'importance des débris ligneux est telle qu'on leur a conféré l'appellation de « billes nourricières » (« nurse logs » en anglais).
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Toutes les espèces vivantes se distinguent par les caractéristiques des habitats qu'elles occupent, autrement dit, par leur niche écologique. On dit des espèces très «capricieuses», c'est-à-dire qui ne peuvent survivre que dans des conditions très particulières, qu'elles occupent une niche écologique très restreinte. Ce sont aussi les espèces les plus vulnérables puisque si leur habitat se raréfie ou est modifié, elles ne peuvent survivre ailleurs. Le thuya est tout à l'opposé. Il s'agit probablement d'une des espèces dont l'amplitude de la niche écologique est la plus grande. On le retrouve en effet dans toutes sortes de conditions :
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SAVIEZ-VOUS QUE… LE PLUS VIEIL ARBRE CONNU DU NORD-EST DE L'AMÉRIQUE SE TROUVE À LA FERLD?
Âgé de près de 1000 ans, il s'agit d'un thuya qui vit sur une île du lac Duparquet. Son âge vénérable est bien masqué par sa taille : il mesure à peine deux mètres et demi de haut! Ce grand bonzaï à la croissance extrêmement lente est enraciné dans les fissures d'un escarpement rocheux, en bordure d'une île qui a échappé au feu depuis des milliers d'années. On retrouve une trentaine de thuyas âgés de plus de 500 ans sur les berges et les îles du lac Duparquet.
Lorsqu'elles ne sont pas affectées par des perturbations majeures pendant de longues périodes, les forêts développent des caractéristiques particulières…
UNE PLACE AU SOLEIL
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Dans les vieilles forêts, les arbres qui meurent naturellement ici et là engendrent des trouées dans le couvert forestier. La lumière peut alors pénétrer en sous-étage et permettre à la régénération de croître. Comme les arbres meurent souvent à des moments différents, les arbres qui les remplacent sont de tailles et d'âges variés. Après plusieurs années, on dit des vieux peuplements que leur structure est irrégulière, c'est-à-dire que les tiges qui les composent sont de toutes les tailles, habituellement avec une majorité de très petits arbres (la régénération) et quelques très gros arbres.
UN TRAITEMENT VENU DU SUD
L'aménagement forestier est-il compatible avec la conservation de ce type de structure propre aux forêts anciennes? L'approche conventionnelle de la coupe totale, où tous les arbres qui atteignent un diamètre commercial sont coupés, ne l'est évidemment pas. D'autres approches sont testées par les chercheurs associés à la FERLD, dont la coupe de jardinage. Pratiqué depuis des siècles dans plusieurs forêts résineuses d'Europe, ce traitement consiste à couper des tiges de toutes les tailles en laissant préférablement sur pied les tiges vigoureuses de qualité (qui ne présentent pas de défauts apparents). Tout en permettant la récolte de bois, ce type de coupe maintient une structure irrégulière ainsi qu'un couvert forestier en permanence, au grand bonheur des promeneurs et de la faune associée aux vieilles forêts.
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Pour en savoir plus… sur le jardinage mis en pratique.
Le peuplement dans lequel a été prise cette photo origine du feu de 1760 et a fait l'objet d'une coupe partielle au début des années 1950. Il s'agit d'un peuplement particulier pour la FERLD puisqu'il est situé sur des dépôts de sable et de gravier qui font en sorte qu'il est relativement peu productif. Avant le traitement, ce peuplement présentait déjà une structure irrégulière. À l'été 2003, on a récolté 44% des tiges en prenant soin de conserver cette structure. Dans ce cas-ci, le traitement visait aussi à réduire la composante de bouleau blanc et de sapin dans le peuplement. Le fait de ne récolter que partiellement le peuplement permettra d'y intervenir plus souvent, environ aux 40 ans selon les chercheurs. À terme, on prévoit qu'environ 8% du territoire de la FERLD sera traité par coupe de jardinage.
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En sylviculture intensive, les objectifs sont différents et les efforts sont accrus. Plutôt que de laisser aller la nature et de ne récolter que ce qu'elle a bien voulu produire, on intervient afin de générer de plus grands volumes et/ou des produits de plus grande qualité, dans un laps de temps plus court. Ces travaux nécessitent évidemment des investissements plus importants qu'en aménagement forestier conventionnel. Pour s'assurer que les rendements soient au rendez-vous, on privilégie les sites les plus riches. En Abitibi-Témiscamingue, il s'agit des sols argileux bien drainés.
Pour en savoir plus… sur un exemple d'aménagement intensif à la FERLD.
En 1979, le site où ont été prises ces photos a fait l'objet d'une coupe de récupération visant à récolter les arbres morts ou dépérissants suite à l'épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette. Après cette coupe, le site a été laissé à lui-même et ce n'est qu'en 1991, suite à un constat d'échec de la régénération, qu'on a procédé à sa remise en production.
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On a alors décidé de faire table rase. On a d'abord scarifié le sol, c'est-à-dire qu'on l'a grossièrement labouré. On a ensuite réalisé, en 1992, une plantation de pin gris et d'épinette blanche.
Dans les années qui suivent une plantation, on visite toujours le site afin de juger de l'évolution des arbres mis en terre. On évalue alors la densité de tiges ainsi que leur répartition dans l'espace. Sept ans après la plantation, seulement un peu plus de la moitié de la superficie était adéquatement régénérée. On a alors procédé à deux interventions. Dans un premier temps, en 2000, on a réalisé un débroussaillage manuel. Cette opération consiste à identifier les tiges les plus prometteuses et à les dégager de la compétition environnante. Elle a aussi servi à dégager les endroits où la régénération était absente en vue du « regarni » qui a suivi en 2001, alors que les espaces inoccupés ont été reboisés avec de l'épinette blanche. Ces deux traitements, le débroussaillage et le regarni, ont permis d'optimiser la production du site.
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À l'hiver 2007-2008, on a élagué les pins gris. Cette opération consiste à couper les branches dans la partie inférieure des arbres afin de limiter la présence de noeuds dans les produits transformés et de favoriser la production de bois en hauteur sur la tige. Il s'agit d'un investissement important, puisque cette opération doit être réalisée manuellement, mais la qualité – et la valeur - du produit généré en bout de ligne est bien supérieure.
En 2008, pour s'assurer que les épinettes blanches aient toutes les ressources nécessaires à leur bon développement, on a procédé à leur dégagement par la méthode « des puits de lumière » : on a coupé la végétation environnante sur un rayon de 1 m autour de la tige. La lumière peut alors atteindre le plant dégagé, ce qui lui permet de croître de manière optimale.
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DES FORÊTS ET DES HOMMES
Avec tous ces traitements, de nombreux travailleurs forestiers sont passés par ce site. Les travaux sylvicoles ont principalement été financés par le programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, géré par la MRC d'Abitibi-Ouest. Dans un premier temps, la société REXFORET a fait d'une pierre deux coups en réalisant des travaux d'aménagement tout en permettant à des bénéficiaires d'aide sociale de réintégrer le marché du travail. Par la suite, les travaux ont été réalisés par des travailleurs forestiers oeuvrant pour des coopératives forestières et des sociétés sylvicoles.
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QUAND SYLVICULTURE INTENSIVE NE RIME PAS AVEC SIMPLIFICATION
La quête de rendements que sous-entend la sylviculture intensive laisse apparemment peu de place à d'autres considérations, comme la biodiversité.
Malgré la série de traitements qu'il a connu, ce peuplement a cependant une allure très «naturelle», au sens où il n'est pas inhabituel de voir de l'épinette blanche s'installer à travers un jeune peuplement de pin gris. De plus, ici et là, on aperçoit des tiges feuillues, moins intéressantes sur le plan commercial, mais qu'on a laissées quand elles n'étaient pas nuisibles au développement des résineux. Même s'il ne s'agit pas d'un objectif en soi, c'est bien la preuve qu'il est possible d'allier rendement et biodiversité!
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Si l'Abitibi est un pays de forêts, c'est aussi un pays de ressources minérales. L'historique de l'exploitation minière dans le secteur de Duparquet a débuté au début du 20e siècle, avec la mine Beattie qui a extrait plus d'un million d'onces d'or entre 1931 et 1957. Plus récemment, la mine Fabie, dans le secteur sud de la FERLD, a exploité plus de 100 000 tonnes de cuivre dans les années 1970 et a brièvement été remise en production en 2008-2009, alors que démarrait le projet de mine « Magusi » près de la baie Fabie. Les deux projets ont ensuite été mis sur la glace. S'il n'y a aucune mine active dans le secteur de Duparquet et de la FERLD aujourd'hui, l'intérêt minier génère toujours des activités d'exploration dans les alentours.
Baptisée en l'honneur des thuyas âgés de plus de 800 ans qu'elle protège, la réserve écologique des Vieux-Arbres a pour habitant le plus vieil arbre connu dans l'est du continent. Elle compte aussi une population de pin rouge, une espèce qui se trouve exclusivement sur les îles ou près des berges de lacs à la limite nord de son aire de répartition. À cause de son unicité et de sa grande fragilité, ce petit territoire de 3,64 ha n'est accessible qu'aux détenteurs d'un permis de recherche délivré par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
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Des fouilles archéologiques réalisées par la Corporation Archéo-08 aux abords du lac Duparquet ont en effet révélé que les autochtones ont occupé ses berges pendant plus de 5000 ans. Plus de 50 sites archéologiques ont d'ailleurs été répertoriés dans les environs. Le lac portait autrefois le nom algonquin d'Agodekamik, le « lac de la terre suspendue ». Il faisait partie d'un parcours navigable traditionnel entre la rivière des Outaouais et la baie James, et quelques familles algonquines y passaient l'été à pêcher le doré et le grand corégone.
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La ligniculture, c'est le concept d'agriculture appliqué aux arbres. On sélectionne des variétés d'arbres à croissance rapide qui sont bien adaptées à notre climat et à nos sols, et qui présentent des caractéristiques intéressantes (résistance aux maladies, qualité du bois, etc).
Afin de savoir quelle variété est la mieux adaptée et quels soins on doit apporter aux arbres pour maximiser leur rendement (espacement entre les plants, fertilisation), plusieurs plantations expérimentales ont été mises en place à la FERLD. Jusqu'en 2011, près de 25 000 épinettes, peupliers et mélèzes ont été plantés! Cette plantation, photographiée en 2009, a été établie en 2005. Quatre ans après la plantation, certains individus atteignaient déjà 6 m de haut!
Pour en savoir plus… sur les plantations à la FERLD, l'hybridation, le clonage, les OGM.
En ligniculture, on pousse le concept de sylviculture intensive un cran plus loin, en appliquant ni plus ni moins le modèle agricole aux arbres. L'objectif principal consiste à produire un maximum de matière ligneuse en un minimum de temps. On doit donc utiliser des variétés d'arbres dont la génétique est la mieux adaptée à cette production rapide ainsi qu'à notre climat et à nos sols.
Pour ce faire, on a recours à des stratégies d'amélioration génétique qui diffèrent selon les espèces. Chez les épinettes, on identifie en milieu naturel des individus dont les caractéristiques sont particulièrement intéressantes : bonne croissance, tige droite, peu de défauts, bois de bonne qualité, résistance aux insectes et aux maladies, etc. On prélève des graines de ce qu'on appelle ces « arbres plus » et on cultive leurs descendants dans des vergers à graines. Ces descendants sont à leur tour croisés, ce qui mène à la création de « familles ».
Chez les peupliers et les mélèzes, la base du processus est la même (sélection d'arbres en milieu naturel présentant des caractéristiques intéressantes), mais on a ensuite recours à l'hybridation. Plutôt que de croiser deux individus appartenant à une même espèce comme chez l'épinette, on croise des espèces différentes, ce qui donne naissance à un hybride.
Mais parmi toutes les familles et tous les hybrides disponibles, lesquels choisir? Quelle est leur productivité? Comment réagiront-ils à un climat ou un type de sol en particulier? Quelles pratiques culturales (espacement entre les plants, fertilisation) conviennent le mieux? Est-ce que le rendement est affecté selon que la plantation soit pure ou mélangée?
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SAVEZ-VOUS PLANTER DES ARBRES
Pour répondre à ces questions, plusieurs plantations expérimentales ont été mises en place à la FERLD. On étudie ainsi 20 familles d'épinettes blanches améliorées, 20 familles d'épinettes de Norvège améliorées, 8 clones de peupliers hybrides et différents types de mélèzes hybrides. En tout, plus de 12 000 épinettes, 4000 mélèzes et près de 8000 peupliers ont été plantés! Dans le moment, ces plantations couvrent environ 15 ha mais à terme, la ligniculture pourrait occuper jusqu'à 4% (300 ha) du territoire.
SUIVEZ LE GUIDE
Cette plantation, photographiée en 2009, a été établie en 2005. On y évalue la productivité en fonction de l'espacement entre les plants, des types de fertilisants utilisés et selon que la plantation n'est constituée que d'un clone (monoclonale) ou de plusieurs clones (polyclonale). Quatre ans après la plantation, certains individus atteignaient déjà 6 m de haut!
Plantation de peupliers hybrides |
La plantation située au nord est plus ancienne; elle a été mise en place en 2002. On y a mélangé de l'épinette blanche, de l'épinette de Norvège et du peuplier hybride. Cette plantation permettra de voir quelles familles d'épinettes et quels clones de peuplier sont les mieux adaptés au climat de la région. On évaluera aussi si les plantations doivent nécessairement être monospécifiques pour connaître un bon rendement ou si on peut se permettre de mélanger les espèces.
DES TONNES DE COPIES, MAIS AUCUN OGM
Le clonage consiste à produire de nombreux exemplaires d'un seul individu. Tous les clones partagent donc exactement le même bagage génétique. Chez le peuplier, la production de plants est grandement simplifiée du fait que cette espèce se prête bien au bouturage. On coupe une branche de l'individu à cloner, on la met en terre, elle s'enracine et voilà, un nouvel arbre est né!
Comme on n'a fait que croiser des individus pour obtenir l'individu à l'origine du clone, on parle d'amélioration génétique. Si l'on avait introduit des gènes étrangers, ce qui n'a jamais été le cas pour les individus plantés à la FERLD, on aurait obtenu des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Plusieurs espèces se prêtent à la ligniculture. En 2005, on a mis en place des plantations de mélèzes. Ces dispositifs visent à comparer le mélèze laricin, une espèce bien de chez nous, à son cousin le mélèze hybride. Une partie des arbres est plantée sur des buttes, ce qui permettra aux chercheurs d'évaluer si la productivité est meilleure avec cette méthode.
Jeune mélèze planté sur une butte |
On étudie depuis la fin des années 1970 les régimes de perturbation et la dynamique des écosystèmes forestiers à la FERLD. Les chercheurs se sont appuyés sur les connaissances issues de ces travaux pour développer et expérimenter des traitements sylvicoles écosystémiques, ce qui a donné naissance au projet « SAFE » (Sylviculture et Aménagement Forestier Écosystémiques).
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Développé en quatre phases mises en place de 1998 à 2002, ce projet est constitué d'une série d'études s'appliquant à des peuplements d'âge, de composition et de structure différents. Les résultats permettront de raffiner le concept d'aménagement écosystémique et, surtout, de développer des prescriptions sylvicoles qui pourront être appliquées à un niveau plus opérationnel.
UNE DIVERSITÉ DE TRAITEMENTS DE COUPE POUR CONSERVER LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE
Feux de sévérité variable, épidémies d'insectes, arbres renversés par le vent… les perturbations naturelles sont très diversifiées en forêt mixte, d'où l'idée de recourir à plusieurs types de traitements en aménagement écosystémique afin de recréer leur effet. Dans le projet SAFE, on en a testé trois :
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Pour en savoir plus… sur les résultats de SAFE et sur l'avis des insectes.
Les tremblaies, peuplements composés principalement de peuplier faux-tremble, occupent une place prédominante à la FERLD. Elles sont en grande partie issues du feu de 1923 et sont maintenant parvenues à leur maturité commerciale. On a pratiqué trois traitements expérimentaux dans les tremblaies: des coupes totales et deux types de coupes partielles, où le tiers et les deux tiers des tiges ont été prélevées, respectivement. Ces traitements sont comparés à un secteur témoin, c'est-à-dire un peuplement qui a été laissé à son état d'origine. Pendant plus d'une dizaine d'années, on a scruté la réaction des peuplements, et en général, les résultats laissent croire qu'on est sur la bonne voie.
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Dans tous les traitements, la régénération est au rendez-vous : on a noté que la production de drageons (de nouvelles tiges qui poussent à partir des racines des peupliers coupés) est proportionnelle à l'intensité de la coupe. La croissance des tiges d'érable à épis, une espèce arbustive compétitrice redoutable, est stimulée par l'ouverture du couvert mais cette réaction est de courte durée dans les coupes partielles. Une ombre au tableau : les coupes, partielles ou totales, impliquent une réduction de la disponibilité en bois mort à court et moyen terme. Heureusement, l'écart entre les caractéristiques du bois mort dans coupes partielles et les témoins (taille, degré de décomposition) est plus faible qu'entre les témoins et les coupes totales.
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SAFE SOUS LE REGARD DES CHERCHEURS DE PARTOUT
Jusqu'à maintenant, une trentaine de chercheurs et d'étudiants gradués ont participé au projet SAFE.
Ce projet constitue une référence d'aménagement écosystémique incontournable dans le milieu scientifique et les dispositifs sont régulièrement visités par des chercheurs provenant de partout. Et comme les suivis se poursuivent, ce n'est qu'un début.
Au-delà de la réponse de la végétation, on peut étudier la réaction des communautés animales pour évaluer l'impact d'un traitement; ce sont des bioindicateurs. Si l'abondance et la composition en espèces sont comparables à ce que l'on observerait suite à la perturbation dont on s'inspire, c'est qu'on est resté dans la fourchette de variabilité naturelle, donc qu'on a visé juste. Dans le cas contraire, les résultats nous permettent d'ajuster le tir.
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Une équipe de la FERLD s'est affairée à piéger des carabes dans le dispositif SAFE, un groupe d'insectes prédateurs qui vit à la surface du sol. 14 056 carabes représentant 47 espèces ont été capturés. Les résultats sont encourageants: les communautés de carabes situées dans les coupes partielles et dans les témoins présentent beaucoup plus similitudes entre elles que si on les compare avec celles des coupes totales
Envie de vous élever au-dessus de la forêt? Rendez-vous au réseau de sentiers pédestres des collines d'Hébécourt. Près de 10 km de sentiers sillonnent la zone écologique des Hautes-collines d'Hébécourt, un secteur qui fait partie de la zone de conservation de la FERLD. Cette zone contraste avec le paysage environnant par ses pentes abruptes et ses affleurements rocheux. Du haut de ses 382 mètres, le Mont Monsabrais est le plus haut sommet de la FERLD. Différents belvédères permettent de contempler tour à tour les lacs Hébécourt, Duparquet et Monsabrais.
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Cette photo a été prise du haut de l'un des belvédères. Observez le paysage. La forêt n'est pas un tapis uniforme : on distingue des taches de couleurs et de textures différentes. Il s'agit d'une mosaïque de peuplements de composition et d'âges différents qui est le résultat de l'hétérogénéité du sol et des perturbations qui ont façonné le paysage, les principales étant le feu et les épidémies d'insectes.
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Pour en savoir plus sur… les feux à la FERLD
Pour en savoir plus sur… la tordeuse des bourgeons de l'épinette
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Malgré son nom, la tordeuse des bourgeons de l'épinette (TBE) s'attaque de préférence au sapin baumier en se nourrissant des aiguilles de ses jeunes pousses. Au cours du 20e siècle, au moins trois épidémies ont été dénombrées par les chercheurs associés à la FERLD. La dernière a eu lieu de 1970 à 1987. À la FERLD, une grande partie du secteur issu du feu de 1760 était dominée par des sapinières matures. Bien que tous les peuplements qui renfermaient du sapin aient été touchés, c'est cette partie qui a été le plus affectée.
Dans la zone d'aménagement, une grande partie des peuplements touchés a fait l'objet de coupes dites de récupération afin de transformer tous ces arbres morts ou mourants avant que leur bois ne se dégrade. Dans la zone de conservation cependant, les peuplements n'ont pas été exploités. L'abondance d'arbres morts sur pied et au sol est frappante; il s'agit en grande partie des « victimes » de la tordeuse. Le sapin a été le plus touché, mais l'épidémie a fait des victimes collatérales. Bouleversés par la brusque modification des conditions environnementales (plus de lumière, plus de vent, etc.), certains arbres, notamment des bouleaux blancs, ont dépéri puis sont morts quelques années après les sapins.
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L'ouverture du couvert a par ailleurs permis aux arbustes et à la régénération déjà présente de se développer. Vingt-cinq ans plus tard, alors que les débris ligneux sont passablement décomposés, des semis de sapin, d'épinette blanche et de thuya s'y installent.
C'EST PAS PARCE QU'ON EST PETIT QU'ON NE PEUT PAS FAIRE DES GROS RAVAGES
À l'échelle du Québec, lors de la dernière épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, on a noté une baisse des volumes de sapin et d'épinette blanche d'environ 180 millions de m3, soit près du quart des effectifs des deux espèces.
Quiconque a déjà observé une coupe totale et un brûlis sévère peut témoigner de la différence entre ces deux perturbations. S'il est vrai que pratiquement tous les arbres meurent dans les deux cas, dans le brûlis, les chicots (arbres morts debout) sont légion, quelques arbres ont survécu et bien souvent, dans des dépressions plus humides, des zones ont échappé au feu. De plus, les périmètres des feux sont bien plus irréguliers que ceux, rectilignes, des coupes.
UNE VARIÉTÉ D'ALTERNATIVES
Comment traduire la variété des paysages observés après feu en aménagement? Les chercheurs associés à la FERLD ont expérimenté la coupe à rétention variable. Le résultat peut prendre plusieurs formes.
• On peut laisser tous les arbres dont le diamètre est inférieur à un certain seuil; on parle alors de coupe avec protection des petites tiges marchandes (CPPTM). Ces tiges ont encore un potentiel de croissance intéressant tout en ayant une valeur commerciale généralement faible pour le moment. De plus, il faudra beaucoup de temps pour que des tiges équivalentes se développent. En les laissant sur place, on sacrifie peu de choses tout en conservant un patrimoine structural mais aussi économique, puisqu'on pourra revenir chercher ces tiges lors de la prochaine récolte.
• On peut laisser sur pied quelques arbres ici et là : on dit alors qu'on fait de la rétention dispersée. On laisse toujours plusieurs grosses tiges pour s'assurer que la faune, principalement cavicole, demeure présente. Parfois, on fait un compromis entre la rétention et la récolte, et on ne prélève que le haut de la tige. On dit alors qu'on laisse des totems ou chandelles.
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• On peut aussi laisser un ensemble d'arbres au sein d'un parterre de coupe : on parlera alors de rétention agrégée. En fonction de la taille et de la forme de la zone qui a été préservée, on parlera de bouquet ou d'îlot de rétention.
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Dans tous les cas, on laisse le bois mort, sur pied ou au sol, qui ne représente pas de danger pour les travailleurs, mais un grand intérêt pour la biodiversité.
GASPILLAGE?
Au contraire! Ces arbres constituent des legs biologiques et remplissent plusieurs fonctions écologiques. Les arbres laissés sur place peuvent agir comme semenciers et contribuer à la régénération de la forêt. Dans le futur peuplement, ils joueront le rôle de vétérans, contribuant à la diversité structurale. À mesure qu'ils mourront, ils seront colonisés par le peuple du bois mort et seront impliqués dans les processus de cyclage des éléments nutritifs. Tous ces enjeux sont d'ailleurs sous la loupe des chercheurs associés à la FERLD, qui veulent évaluer comment le rôle de ces arbres diffère selon qu'ils sont situés en forêt aménagée ou non.
Jusqu'à tout récemment, toutes les parties des arbres inutilisables par l'industrie forestière (feuillage, branches, cimes) restaient sur les parterres des coupes. Ces résidus forestiers peuvent être valorisés sous la forme de divers produits ou être récupérés pour la production de bioénergie. Dans toutes les régions du Québec, on a vu naître ces dernières années plusieurs projets de récupération et de transformation des résidus.
À première vue, l'idée paraît judicieuse : À une époque où les besoin en énergie explosent et où les coûts montent en flèche, pourquoi laisser pourrir en forêt les déchets de coupe? Parce qu'ils se décomposent, justement. D'un point de vue écologique, le feuillage et les fines branches des arbres représentent une source importante d'éléments nutritifs qui redeviennent disponibles à mesure qu'ils se décomposent. Des études ont entre autres démontré que sur certains sites, l'exportation des déchets de coupe peut entraîner une baisse de disponibilité des nutriments et, par conséquent, une baisse de la productivité des sols.
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Des chercheurs de la FERLD, en collaboration avec Cyclofor, une entreprise de récupération des résidus de coupe, ont mis sur pied une étude visant à évaluer l'impact de la récupération des résidus forestiers sur la productivité des sols, la régénération, le bois mort et un groupe d'insectes, les arthropodes. Cette étude devrait permettre d'identifier quelle proportion de résidus devrait être maintenue en forêt afin de ne pas nuire au le bon fonctionnement des écosystèmes.
Pour en savoir plus… sur la récupération de biomasse.La récolte forestière génère des quantités importantes de résidus. Feuillage, branches, cimes, autres parties actuellement inutilisables par l'industrie forestière… Chez les résineux, on estime que le tiers de l'arbre reste en forêt, et que cette proportion est encore plus importante chez les feuillus. Or si ces résidus ne peuvent être transformés par les scieries, ils peuvent connaître une deuxième vie sous diverses formes ou être utilisés pour la production de bioénergie. L'engouement pour leur récupération est tel que le gouvernement du Québec a lancé, en février 2009, un plan d'action sur la valorisation de la biomasse forestière à des fins énergétiques.
Dans toutes les régions forestières, des entrepreneurs ont développé différentes approches pour extraire et transformer ces résidus forestiers. À La Sarre, la compagnie Cyclofor a développé un récupérateur-compacteur pouvant ramasser les résidus forestiers sur les parterres de coupe à la suite des opérations de récolte.
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FAIRE LE MÉNAGE, UNE ACTIVITÉ À RISQUE?
À première vue, l'idée est emballante. Cependant, si les intérêts économiques et sociaux de cette pratique sont indéniables, plusieurs enjeux environnementaux se posent. Tous les « déchets de coupe », particulièrement le feuillage et les fines branches, renferment une grande quantité d'éléments nutritifs qui sont relargués dans le sol au fur et à mesure qu'ils se décomposent. En exportant cette matière ligneuse, on exporte aussi la réserve de nutriments. Des études portant sur la productivité des sols de sites ayant été récoltés « par arbre entier » (où l'arbre est abattu puis transporté en bordure de chemin pour être ébranché) ont démontré que l'exportation de la biomasse peut réduire les réserves de nutriments et conduire à une baisse de la productivité des sols sur certains sites. Même préoccupation pour les graines contenues dans les cimes. En restera-t-il suffisamment pour régénérer les peuplements? Finalement, les espèces qui utilisent cette biomasse seront-elles menacées par son exportation comme ça a été le cas en Scandinavie?
SUIVEZ LE GUIDE
Les professionnels et les chercheurs associés à la FERLD, en étroite collaboration avec Cyclofor, ont donc mis sur pied une étude visant à évaluer l'impact de la récupération des résidus forestiers sur la productivité des sols, la régénération, le bois mort et un groupe d'insectes, les arthropodes.
À l'hiver 2008-2009, dans des peuplements de pin gris issus du feu de 1923, deux types de traitements ont été réalisés : la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS) et la coupe partielle. On a établi des parcelles expérimentales dans chaque traitement, et le récupérateur de Cyclofor a récolté les résidus de coupe dans la moitié des parcelles. Un traitement « extrême », où le récupérateur a récolté le maximum possible de biomasse, a aussi été appliqué dans la CPRS. Les premiers résultats devraient être disponibles dans les années à venir. C'est donc une histoire à suivre…
TROUVER LE SEUIL
Si on note un appauvrissement des sols et de la biodiversité, faudra-t-il mettre un terme à la récupération des résidus forestiers? Pas nécessairement. Actuellement, on estime que le récupérateur prélève environ 70% de la biomasse. Avec les résultats des travaux de recherche en cours, on devrait être en mesure d'identifier des seuils de récupération à ne pas dépasser pour préserver le bon fonctionnement des écosystèmes.
Trois frênaies à orme d'Amérique sont en attente de désignation de forêt rare par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec. Elles seraient regroupées dans la forêt rare de la Pointe aux Cabines et rivière Magusi, qui couvrirait 65 ha.
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Ces peuplements ont besoin de conditions très particulières pour se maintenir. Le frêne noir est l'une des rares espèces qui puisse survivre, du moins une partie de l'année, les pieds dans l'eau. Il occupe donc les berges des cours d'eau qui sont inondées lors des crues printanières. Comme il peut se reproduire par rejets de souche, il ne craint pas que ses semis soient emportés par les eaux. Avec la construction de barrages qui maintiennent artificiellement l'eau de la plupart des lacs de grande étendue au même niveau, ces peuplements se sont fait de plus en plus rares. Un barrage sur la rivière Duparquet entraînerait la disparition de ces frênaies.
En plus du lynx du Canada, la liste compte deux espèces de campagnols, deux espèces de musaraignes et quatre espèces de chauves-souris. Ces espèces ne sont pas directement en danger présentement, mais leur statut mérite une attention particulière quant aux impacts des pratiques d'aménagement sur leur habitat.
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Depuis 400 ans, on a recensé 82 feux sur le territoire de la FERLD. Les 8 plus importants sont présentés sur la carte ci-contre. Le plus ancien date de 1760 et couvre une grande partie du territoire. Plus récemment, 1923 a été la plus importante année de feu du 20e siècle qu'ait connu le Québec, et la FERLD n'y a pas échappé : le quart du territoire y est passé.
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Cette diversité de feux qui ont généré des peuplements d'âges différents a permis aux chercheurs associés à la FERLD d'étudier la succession forestière, c'est-à-dire les changements dans la composition forestière qui ont eu cours sur une période de 230 ans après le passage du feu. Règle générale, les jeunes peuplements sont composés d'espèces pionnières qu'on dit intolérantes à l'ombre, c'est-à-dire qui ne peuvent croître que dans des milieux assez ouverts, comme après le passage d'un feu : le peuplier faux-tremble, le bouleau blanc et le pin gris. Avec le temps, des espèces plus tolérantes à l'ombre, comme le sapin baumier et l'épinette blanche, s'installent sous la canopée et forment un étage intermédiaire.
Lorsque l'intervalle entre deux feux dépasse la longévité des espèces pionnières, ces dernières meurent, laissant des ouvertures dans la canopée. Des espèces plus tolérantes à l'ombre, souvent le sapin baumier ou l'épinette blanche, prennent alors le relais. Environ 100 ans après feu, on observe donc des peuplements dont la composition est mixte. Si aucun feu ne survient, la composante résineuse devient de plus en plus importante, et le thuya prend de plus en plus de place.
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LES CHERCHEURS JOUENT AVEC LE FEU
Comment les chercheurs en sont-ils arrivés à dater et cartographier les feux pour produire cette carte?
Ils ont retracé les indices laissés par les incendies forestiers il y a des décennies, voire des centaines d'années. Deux approches ont été employées. D'une part, pour déterminer l'année des feux les plus récents, on a calculé l'âge des arbres qui colonisent les sites tout de suite après feu, comme le pin gris, le bouleau blanc et le peuplier faux-tremble. D'autre part, on s'est servi des cicatrices laissées par les feux sur les arbres qui ont survécu aux incendies. Dans les deux cas, on a utilisé la dendrochronologie.
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Le feu est souvent perçu comme une catastrophe naturelle. S'il est vrai que peu d'arbres survivent au passage d'un incendie sévère, le feu constitue néanmoins un allié incontournable dans la reproduction du pin gris. Cette espèce produit des cônes dits sérotineux, c'est-à-dire qu'ils sont scellés par une résine et ne peuvent s'ouvrir qu'à des températures extrêmement élevées. De plus, comme le pin gris est une espèce qui tolère mal l'ombre, le feu lui « prépare le terrain » en éliminant la végétation sur son passage. Les petits pins gris auront alors toute la lumière nécessaire à leur développement et formeront éventuellement des pinèdes.
C'est l'équivalent de 230 camions de transport. Le bois est presque exclusivement vendu aux usines de la région où il est ensuite transformé. Selon l'espèce, la dimension et la qualité des tiges, le bois est scié, déroulé ou encore mis en lamelle pour la production de panneaux de lamelles orientées (OSB). On préconise toujours les produits à valeur ajoutée. Ainsi, vos prochains poteaux, piquets de clôture ou bardeaux proviendront peut-être de la FERLD! Les revenus engendrés par la récolte sont principalement réinvestis dans l'aménagement (plantations, sylviculture, etc.). Environ 20% des revenus sont remis en bourses à des étudiants ou servent à financer des projets de recherche.
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